À partir du 29 juin 2025, les sites et services numériques des entreprises de l’UE devront être accessibles aux personnes handicapées, sous peine de sanctions. Et ce, dans le cadre de la réglementation européenne « European Accessibility Act ». L’occasion de mettre en lumière l’importance croissante du métier et du rôle de référent accessibilité numérique, qui pourrait se généraliser dans les prochaines années. Pierre Reynaud, responsable pédagogique du diplôme universitaire (DU) de référent accessibilité de l’Université de la Réunion, le premier du genre, et lui-même aveugle, explique : « L’accessibilité numérique, c’est la possibilité pour toutes et tous de pouvoir accéder et utiliser pleinement, correctement, sans blocage et en toute autonomie le numérique et les plateformes web. Et ce quels que soient le handicap, les usages et la situation, pour éviter une forme d’exclusion sociale ou professionnelle. Le numérique est partout, est partout où il y a le numérique, il y a des problèmes d’accessibilité à adresser. » L’importance et l’impact de cette accessibilité témoignent notamment de leur rôle essentiel en matière d’intégration et de maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap.
Pour autant, selon Pierre Reynaud, « Entre 70 et 90 % des sites et applications sont inaccessibles pour certaines personnes. » C’est là qu’intervient le référent accessibilité numérique, un métier déjà présent dans des organisations publiques et au sein d’entreprises engagées, et qui s’impose comme une profession d’avenir.
Former les professionnels de demain
C’est sur la base du constat du manque criant de personnes qualifiées en matière d’accessibilité que Pierre Reynaud et deux de ses confrères – Endjy Guerchet, référent accessibilité numérique de l’Université de Bordeaux et Olivier Sébastien, maître de conférences en informatique à l’Université de la Réunion – ont lancé un DU pour former les futurs professionnels du métier. « Le référent accessibilité numérique, c’est un cadre, quelqu’un capable de porter une stratégie de travailler avec tout le monde au sein de l’organisation, des services informatiques à la direction de la communication en passant par les RH et les manager, commente Pierre Reynaud. C’est pour cela que nous avons lancé ce DU en septembre 2023, à 100 % en distanciel et à 100 % accessible, avec notamment des débouchés directs pour les personnes en situation de handicap. Et avec une porte d’entrée au niveau bac +3. La première session a été financée par le FIPHFP (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), et nous sommes aujourd’hui soutenus par la Contentsquare Foundation qui œuvre pour l’inclusion numérique. Je dis souvent que l’accessibilité numérique, c’est trop social pour les informaticiens et trop technique pour les travailleurs sociaux. »
C’est, entre autres, ce savant mélange entre technique et enjeux d’inclusion qui a convaincu Aude Bornil de mener sa reconversion professionnelle, du métier d’ingénieur pédagogique à celui de référente accessibilité numérique à l’Université de Pau (64). « Avant mon master en ingénierie pédagogique, j’avais fait une licence de psychologie et un job étudiant en tant qu’auxiliaire de vie, la partie handicap m’intéressait donc beaucoup, témoigne-t-elle. Quand je me suis inscrite à ce DU à distance, c’était dans l’idée d’ajouter la dimension de l’accessibilité numérique à mon métier d’ingénieur pédagogique, avec notamment l’utilisation de nouveaux outils pour former les enseignants. Mais je me suis vite rendu compte que l’accessibilité numérique, c’est un métier à part entière, et que mettre en place une stratégie d’accessibilité demande de s’y consacrer à 100 %. J’ai donc choisi de m’orienter vers cette profession, parce que ce métier de référent accessibilité connaît aujourd’hui ce qu’à connu le métier d’ingénieur pédagogique il y a dix ans : c’est un rôle qui n’existait pas, qui est encore peu connu, mais qui se développe et dont on va avoir de plus en plus besoin. »
Un emploi d’avenir porteur de sens
Si l’accessibilité numérique se développe, reste à savoir si les organisations et les entreprises passeront le cap et recruteront de plus en plus de professionnels comme Aude Bornil à l’avenir. « J’aurais envie de dire oui, juge Pierre Reynaud. En tout cas il le faut. Si les entreprises veulent se mettre en conformité et répondre à l’obligation légale, elles devront recruter une personne en charge de cette stratégie. C’est un nouveau métier passionnant. En plus de l’aspect technique, on assume un côté transmission, animation, et même influenceur au sein de l’organisation puisqu’on fait évoluer les choses en apportant une impulsion. En revanche, il y a aussi une vision plus pessimiste, notamment vis-à-vis des baisses de budget dans le public. »
Pour conclure, Aude Bornil nous raconte son quotidien : « Je suis en quelque sorte cheffe de projet spécialisée. J’ai trois grandes missions : écrire un schéma pluriannuel d’accessibilité numérique et le coordonner, former et sensibiliser à l’accessibilité, et travailler avec tous les services pour la mise en œuvre. J’adapte en permanence mon discours et mon approche vis-à-vis de mes interlocuteurs en interne. C’est un métier qui bouge, qui est très opérationnel. Et qui a du sens, si ce n’est pas le cas aujourd’hui, on peut tous avoir besoin de l’accessibilité numérique demain. »