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Loi Travail : l’heure du choix a sonné

Partons d’un constat simple : le monde du travail est aujourd’hui fait de mutations de plus en plus rapides. L’économie de services, la numérisation, l’“ubérisation” des métiers se déploient, irrésistiblement. Au cœur de ce monde ouvert, les individus, qui savent que leurs parcours professionnels seront moins linéaires qu’autrefois, réclament davantage de protection et d’autonomie. Ces mutations, nous ne devons pas les subir mais, au contraire, les transformer en opportunités pour nos concitoyens. Par Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.

À la veille d’une semaine décisive, je souhaite plus que jamais qu’une majorité de parlementaires se retrouve autour d’un texte juste et nécessaire, porteur de progrès inédits pour notre pays. D’abord, en posant les bases d’une véritable sécurité sociale professionnelle.
Alors qu’à l’heure industrielle, les droits étaient rattachés au statut de l’individu, nous inventons la protection sociale du XXIe siècle : désormais, chacun bénéficiera tout au long de sa vie de droits attachés à sa personne, qu’il soit salarié, indépendant, demandeur d’emploi…
L’instrument de cette “liberté protectrice” a un nom : le Compte personnel d’activité, qui ouvre un droit universel à la formation et facilitera demain les transitions professionnelles. L’objectif est d’aider chacun à se construire un parcours en phase avec ses aspirations. Ce droit bénéficiera à tous mais sera renforcé pour ceux qui en ont le plus besoin. Dans cet esprit, la Garantie jeunes sera généralisée, véritable droit à la nouvelle chance pour les moins de 26 ans en situation de précarité.
Mais cette loi pousse plus loin encore notre volonté de progrès social. Demain, un “droit à la déconnexion” devra être mis en œuvre dans les entreprises pour préserver l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle à l’heure du numérique ; demain, la France disposera du droit le plus strict en matière de lutte contre le travail détaché illégal ; demain, les travailleurs de plates-formes collaboratives et les saisonniers bénéficieront de nouveaux droits.

 

Décentraliser le dialogue social

Notre ambition est de tourner le dos à une vision caricaturale de l’entreprise en faisant du dialogue social de proximité le moteur de notre transformation, comme c’est le cas depuis les lois Auroux. Il faut donc renforcer les rôles respectifs des accords de branche et des accords d’entreprise. Une législation complexe n’est plus à même de répondre aux aspirations des salariés et aux besoins des entreprises, dans leur pluralisme et leur diversité.
Ces débats sont anciens mais les résultats sont là : aujourd’hui, chaque année, plus de 36 000 accords sont signés dans les entreprises par tous les syndicats. Cette dynamique, nous voulons l’amplifier en donnant un rôle inédit aux acteurs de terrain pour négocier l’organisation du travail la plus adaptée. Car la vie d’une entreprise n’est pas la même selon son secteur d’activité, sa région d’implantation, ou sa taille. Comment nier que les salariés et leurs représentants sont les mieux placés pour discuter de ce qui fait leur travail au quotidien ?
Pas question, bien sûr, de sacrifier les intérêts des salariés, comme le voudraient certains. C’est pourquoi nous généralisons la règle de “l’accord majoritaire”. Concrètement, pour être valides, ces accords d’entreprise devront être signés par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés (contre 30 % aujourd’hui). C’est la certitude de voir les accords reposer sur des consensus larges. Et si aucun accord n’est signé entre partenaires sociaux, c’est le droit actuel qui continuera de s’appliquer.
Dans ces conditions, comment prétendre que cette décentralisation du dialogue social pourrait être source de régression ? Pas plus d’ailleurs que la visibilité et les souplesses accordées aux entreprises, qui n’ont d’autre ambition que d’y développer l’activité et l’emploi stable. Jamais il n’a été question de déréguler notre “marché du travail” en facilitant les licenciements économiques. Au contraire, pour la première fois, ils seront encadrés par la loi. Soumettre l’organisation sociale aux impératifs du marché ne sera jamais l’orientation d’un gouvernement progressiste.

Alors, qui peut sincèrement craindre une loi qui donne plus de place et de moyens aux syndicats ? Une loi qui améliore les capacités d’anticipation de nos entreprises ? Une loi qui renforce la protection sociale de nos concitoyens ? On peut toujours ignorer les enjeux actuels, utiliser les termes les plus outranciers, ou opter pour une logique de blocage qui est le contraire d’un dialogue sincère. L’heure du choix a sonné.

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