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D’anciens coursiers à vélo de Take Eat Easy obtiennent des indemnités aux prud’hommes

Un pas de plus vers la reconnaissance du statut de salarié pour les travailleurs indépendants des plate-formes numériques ? Quatre ex-livreurs de Take Eat Easy ont vu leur collaboration requalifiée en contrat de travail par le conseil de prud’hommes de Paris. Une décision qui devrait s’ajouter à une jurisprudence de plus en plus étoffée.

 
Huit mois après la décision en novembre de la Cour de Cassation de laisser possible la requalification du contrat d’un coursier de feu Take Eat Easy, le conseil de prud’hommes de Paris a finalement requalifié en contrat de travail la relation entre la plate-forme de livraisons de repas et 4 de ses anciens coursiers à vélo. Les livreurs ont ainsi obtenu des indemnités oscillant entre 16 000 et 60 050 euros, qui leur ont été versées par l’Assurance de garantie des salaires, Take Eat Easy ayant été mise en liquidation en 2016.

 

Selon un jugement datant de 1996, « le salarié est celui qui accomplit un travail sous un lien de subordination, celui-ci étant caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ». En règle générale, la requalification en emploi salarié peut ainsi être prononcée suivant trois critères cumulatifs, propres à un contrat de travail : une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination.

 

Une nouvelle jurisprudence

Afin d’éviter toute requalification, suivant la jurisprudence née de la décision prise en novembre par la Cour de Cassation, une plate-forme doit donc limiter son rôle à la mise en relation du commerçant, du client et du coursier, et ne pas disposer d’un pouvoir de sanction à l’égard du travailleur indépendant mobilisé. Mais dans les faits, les livreurs de Take Eat Easy, même s’ils étaient enregistrés comme auto-entrepreneurs, et libres de travailler ou non, étaient aussi géolocalisés, et donc contrôlés par la plate-forme. Si besoin, ils pouvaient aussi être sanctionnés – avec des « mauvais points » pouvant donner lieu à la rupture de la collaboration.

« Les prud’hommes ont admis que le contrôle par GPS, ainsi que le système de sanctions très explicite de Take Eat Easy, qui allait de l’avertissement pour un refus de commande, jusqu’à la rupture du contrat, constituaient bien un lien de subordination », indique l’avocat des livreurs indemnisés, dans Le Monde.  Cette décision devrait, selon lui, s’ajouter à la jurisprudence existante, et « servir de référence » dans d’autres litiges. À noter que le tribunal a aussi considéré que l’infraction de travail dissimulé était constituée, ce qui devrait aussi permettre « d’aller chercher la responsabilité des dirigeants », d’après le juriste.

Interrogée en novembre sur la décision de la Cour de Cassation à l’origine de ce revirement du conseil de prud’hommes de Paris (qui ne s’estimait pas compétent pour juger une telle affaire jusque là), Judith Bouhana, avocate spécialiste en droit du travail, nous expliquait que sont désormais concernés par un tel risque de requalification « toutes les entreprises qui ont recours à des free-lance » – des livreurs à vélo aux agents commerciaux, en passant par les consultants. « La relation hiérarchique d’employeur à salarié peut être établie par la géolocalisation, mais aussi par la discussion des honoraires, l’intégration de la personne dans l’entreprise (carte de visite, présence continuelle, etc.), ou un quelconque pouvoir de contrôle (directives ou exigences surpassant un cahier des charges, sanctions sur les honoraires…) », expliquait-elle.

 

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